8 sept. 2008

The odd choice

Gov. Sarah Palin of Alaska complète le ticket républicain.

Personnalité hors norme, elle constitue à mes yeux l’un des plus beaux paris politiques de cette campagne. Ce qui n’exclut pas l’expertise – comme disait le maître (Phil Elmut) :
Poker is 100% skill and 50% luck

Premier acte : convention démocrate éclipsée

L’annonce du ticket, pour commencer. A la toute fin d’une convention démocrate qualifiée par tous d’ « historique », où Obama, pour son discours d’investiture, avait été regardé 38 millions d’Américains, les républicains choisissent Sarah Palin, gouverneur d’Alaska, pour succéder à John McCain.
Rupture du cycle d’information : la convention démocrate passe au second plan, l’attention portée à Sarah Palin devient logiquement inversement proportionnelle à la connaissance que l’on a d’elle.


Deuxième acte : convention républicaine maîtrisée

Sarah Palin est la star de la convention. Des femmes de tous horizons, qui ne la connaissaient pas quelques jours auparavant, l’appellent par son seul prénom. Attachement et projection soudains pour cette femme valeureuse. Une affaire (la grossesse de sa fille), potentiellement matière à controverse (les démocrates, et c’est peut-être là un de leurs plus grands mérites, n’ont pas pour habitude d’attaquer leurs adversaires sur leur vie privée), qui trouve une indulgence rarement éprouvée en de telles circonstances.
Et John McCain, éternel maverick, sort un discours d’anthologie, qui sera regardé par 39 millions – la guerre des chiffres fait rage (Sarah Palin avait fait jeu égal avec Obama). Discours qui retrouve les fondamentaux républicains (marre de ce gouvernement fédéral qui prétend savoir mieux dépenser que vous-même) et les siens (je ne me laisse guider ma conduite par personne et je suis un homme de parole). Discours sobre, sur fond uni : laisser l’expérience parler.
Mais discours qui amorce aussi un virage majeur – plagiat diraient certains – dans la campagne républicaine : le changement.


Troisième acte : spins en tous genres


De toutes façons, et c’est Obama McCain moi qui vous le dit, ça va changer :
  • Soit les Américains (ou du moins leurs grands électeurs) élisent Obama, et je vous raconte pas : un métis Noir Président, qui veut donner des médicaments à tout le monde et ramener à la raison – grâce à l’expérience en matière internationale de son colistier – tous les dictateurs du monde, on n’en croise pas tous les jours
  • Soit les Américains élisent McCain, et attention : encore moins de prélèvements, encore moins de services assurés par l’État fédéral…Mais aussi moins d’influence des lobbies à Washington (sic) et surtout, la deuxième femme en mesure d’emporter la vice-présidence.

Et quelle femme donc : quel pari ! Elle consolide la base ultra-conservatrice, aucun doute possible (membre à vie de la NRA, farouche opposante à l’avortement). Mais elle est censée appâter les déçues de l’échec d’Hilary ; ce qui paraît hautement improbable, compte tenu de leurs positions diamétralement opposées en matière de women issues, et de son implication croissante dans la campagne de son exemple meilleur ennemi. Elle doit aussi attirer les indépendantes, mais gageons que les indépendantes prendront leur décision sur le haut du ticket (McCain/Obama) plutôt que sur le bas (Palin/Biden).

Deux paris particulièrement risqués, en somme. Le premier : s’aliéner les électeurs qui voyaient en McCain un franc-tireur, capable de dépasser les clivages partisans, d’autant plus que son discours d’investiture (ouverture plein pot) semble avoir peu convaincu.
Le second, et on serait tenté de dire le plus conséquent : celui de placer Sarah Palin, objectivement peu expérimentée, que McCain avait rencontrée deux fois avant de la choisir, et dont le parcours n’a pas été correctement évalué par ses responsables de campagne, en position d’éventuelle Commander in chief (si jamais McCain, élu, en venait à ne plus pouvoir assumer sa fonction – ce qui relève du domaine du possible pour tout Président, a fortiori pour McCain).

Enfin, pari risqué ne se fait sans brouiller les pistes : l’expérience des candidats, pendant la soixantaine de jours restante, a fini d’être un argument de campagne pour les républicains. A voir si les démocrates en joueront.
Les républicains jouent en revanche la carte de l’outsider sur le changement. A voir si cet argument saura permettre la nécessaire – pour les républicaines s’entend – jonction entre conservateurs et indépendants. Et ce changement, une fois encore, et des deux côtés, quel est-il ?

Ce soir Gallup met McCain 5 points devant en sondage national (ce qui ne permet aucune projection aux Etats-Unis, étant donné le mode de scrutin, mais marque néanmoins des tendances). Les démocrates prenaient 8 points aux républicains à la fin de leur convention. Alors, « effet convention » ou pari gagné ?

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